[I.1 - Q.3] La bataille des traîtres

Il régnait un chaos merveilleux sur ces terres et dans les esprits des habitants. Le jeune capitaine Nilfgaardien avait pu l’observer non sans une certaine attention. Depuis qu’il avait quitté Cintra pour voyager vers le Nord, sa mission n’avait pas été de tout repos et le voilà à présent de retour sur le champ de bataille, là où était sa place. Ici il pouvait faire démonstration de toute sa ruse et de sa fourberie. La dernière en date ? Il était entrain de la réaliser avec une comparse inattendu en la personne de Skadi. Étrange histoire que voilà, mais elle serait bien trop longue à résumer et surtout, elle était déjà écrite.

Sous les passes montagnes, ils avaient l’air de voyageurs tout ce qu’il y avait de plus lambda. Des marchands qui subissaient le coup de la guerre sans rien pouvoir y faire. Ils étaient la veille ou bien avant encore, cherchant refuge entre les murs de la cité pour échapper à la marche de l’armée nilfgaardienne qui montait vers le Nord. Hélas à présent ils trouvaient portes closes et ne pouvaient plus s’échapper. C’était parfait.

Juan esquivait les habitants qui se hâtaient dans les rues pour trouver un abri et emmener avec eux les quelques trésors qu’ils chérissaient. Il savait la sorceleuse à ses côtés tandis qu’il remontait le flot discontinue du chaos. Son regard se baladait ça et là sur les remparts et dans les voies d’accès principales à la recherche de quelque chose. Sous la capuche de son mantel, il avait tout d’un pauvre bougre égaré.

Chance et Matylda étaient partis de Novigrad après la réussite de leur cambriolage quelque peu risqué. Il était plus prudent de ne pas s’éterniser dans les parages et de se faire oublier loin, très loin de la Rédanie qu’ils venaient de quitter. Pilgrim n’était pas venu avec eux ; des affaires plus urgentes peut-être, ou la crainte de se laisser embobiner dans des affaires un peu obscures qui risqueraient d’entrer en conflits avec ses idéaux religieux. Enfin qu’importe : Chance ne lui en portait aucun préjudice, et puis après tout il faisait bien ce qu’il désirait. Il n’était pas dit qu’ils ne se recroiseraient pas dans les prochains mois, en plus de cela.

Le voyage des deux autres avait finalement prit fin à Sodden, là où quelques années auparavant s’étaient affrontées troupes nordiennes et armées nilfgaardiennes. Des magiciens étaient morts non loin d’ici – il espérait que ces choses n’importunent ni ne froissent son amie, quoi qu’il ne se faisait que très peu de soucis quant à la sensibilité de la Nilfgaardienne. Or le passé était au final loin d’être ce qui risquait de compliquer l’humeur ambiante : la guerre était aux portes des royaumes du nord et Sodden n’échappait pas aux ravages des combats. L’odeur locale, en outre, était pestilentielle. Mais évidemment, il en fallait plus pour impressionner Chance.

Le duo s’apprêtait à repartir pour des horizons plus calmes lorsque les nouvelles déboulèrent en grandes pompes par la porte principale, apportant avec elles l’impossibilité de quitter l’enceinte de Sodden maintenant que Nilfgaard passait à l’action. Grand bien leur fasse, songea-t-il tandis qu’il se tournait vers Matylda, mais encore faut-il que l’on y passe pas dans le processus. « Décidément, vous autres sudistes avez le goût pour la surprise. Qu’est-ce que tu suggères ? » Autour d’eux résonnaient le bruit de l’alarme et se hâtaient les civils paniqués.

La native de Skellige n’avait jamais vraiment apprécié la foule. Elle avait aussi en horreur les tenues de damoiselle qu’ont coutume de revêtir les femmes plus … ordinaires. Sous sa tunique longue en laine qui la grattait, elle avait toutefois pris le soin de garder sa chemise et son pantalon à présent élimés par les innombrables jours passés à cheval, ainsi que ses bottes dont elle ne se séparerait pour rien au monde. Des bottes comme cela, on n’en trouvait qu’à Skellige. Tout juste si elle se souvenait de la dernière fois qu’elle avait chaussé autre chose, à vrai dire.

Le capuchon rabattu sur son visage, elle dansait gracieusement entre les passants, faisant fi de la tension pourtant bien palpable dans cette rue et le reste de la ville. Juan ouvrait la marche, carrure bien dessinée sous ses vêtements d’emprunt, que la sorceleuse reconnaîtrait entre mille. Elle n’avait pas pour habitude d’oublier ceux qui croisaient son chemin, et le capitaine de la IIIe armée du Nilfgaard avait récemment fait prendre un tournant radical à sa vie. Aurait-elle cru qu’un jour elle combattrait sous la bannière noire ? Skadi se doutait bien qu’elle s’éloignait bien loin du chemin des sorceleurs. Pourtant, c’est ce qui arrive à ceux qui empruntent des voies tortueuses, semées d’embûches, dansant dangereusement entre les hommes et les monstres, les jeux politiques et la vie de nomade. Si elle avait été loyale par le passé envers sa terre natale, sa vie sur le continent l’avait changée bien plus qu’elle ne pouvait elle-même le comprendre encore.

Son regard accrocha soudain un point d’intérêt crucial. Au-dessus des portes de la ville, elle pouvait apercevoir le mécanisme servant à les ouvrir. Seule ombre au tableau, les soldats positionnés juste à côté. En quelques enjambées, la jeune femme se rapprocha de Juan, pour lui souffler à l’oreille ses impressions.

« M’est avis qu’on va avoir quelques soucis avec ces messieurs … Impossible d’accéder à la courtine sans attirer l’attention sur nous. On fonce dans le tas ou on roublarde ? »

Un soupir passe ses lèvres, les yeux levés au ciel, déconcertée par la soudaine vague Nilfgaardienne qui les laisse cloîtrés ici, Chance et Matylda se trouvent de l'autre côté des remparts. Elle-même ne sait pas quel serait le meilleur côté pour elle, tout ce qu'elle sait à ce moment là c'est qu'ils sont piégés et que les soldats ne feront doute pas de différence entre les personnes présentes ou ne prendront pas le temps de lui demander bien aimablement d'où elle vient. Son regard tombe sur son compagnon de route, quoi qu'il en soit l'interdiction de sortir ne leur rend pas service puisqu'ils avaient l'intention de partir. « Vous les Nordistes vous ne savez pas apprécier une surprise à sa juste valeur. » Elle commente en ayant vaguement dans la volonté d'être comique, rien de tel qu'une attaque pour pimenter leurs aventures non ? La question ensuite était de savoir ce qu'ils allaient bien pouvoir faire. Hors de question de rester entre les murs de cette cité en attendant sagement le massacre, rien que de savoir les portes closes lui hérissaient le poil d'horreur. « On ne peut pas rester ici, il faut s'en aller ! » Elle regarde autour d'elle, alors que d'autres voyageurs se retrouvent démunis, certains se tournent déjà vers les auberges ou payent les locaux pour le logis après la panique. Des mesures seront sans doute mises en place pour protéger les habitants et c'est hors de question pour la magicienne de macérer dans la marmaille en attendant sagement qu'on l'autorise à sortir.

Elle observe les remparts, les gardes postés, armés. Ça ne va pas être simple de sortir sans se faire repérer et elle ne se voit pas créer un portail en plein milieu du village. Son regard se pose sur les systèmes d'ouverture des portes, instinctivement, se demande si ce serait simple d'y accéder. Ou alors il faudrait descendre en rappel par le mur. Elle tire la manche de Chance pour l'emmener un peu plus à l'écart, entrant dans un jeu de discrétion alors qu'ils doivent étudier les différentes possibilités de sortie. « Par en dessus ? Par en dessous ? » Peut être qu'il y a un système d'évacuation souterraine ? Son regard se pose au hasard sur deux autres silhouettes encapuchonnées qui ont l'air de ne pas être habitants d'ici. Est ce qu'ils cherchent à sortir eux aussi ? Un sourire se dessine sur les lèvres de la magicienne. « Si on avait le reste de la Hanse avec nous ça aurait été plus vite. » Un mouvement du menton pour désigner les deux voyageurs à Chance. « tu crois qu'ils vont nous en vouloir si on les remplace par ces deux oiseaux? » Même n'étant pas portée sur l'entraide de manière générale, il y a certaines situations qui avaient bien plus d'intérêt à être résolues en groupe. « Ils peuvent aussi se faire accuser à notre place si tu n'es pas d'humeur à partager. » Elle hausse les épaules

A sa plaisanterie, Matylda y répond par une autre ; mais cela ne les avançait pas davantage. Ils devaient partir avant que le désastre ne frappe la ville, et vite. Ils le savaient tous les deux, tandis que les autres tout autour cherchaient à s’abriter de la bataille à venir, de la vague nilfgaardienne qui risquait de les emporter. Mais pour peu que ça l’importait, Chance préférait se laisser porter par le courant avec sa camarade. Pour l’heure ils étaient mêlés à la foule, deux silhouettes perdues dans le chaos et la confusion locale, à fixer une porte qui ne s’ouvrirait pas de sitôt sans intervention extérieure. Le regard du mercenaire suit celui de la magicienne vers les gardes qui ne les laisseront pas passer, tant bien même ils pouvaient le leur demander gentiment. Les soudoyer ne serait sans doute pas une option non plus, pas s’ils risquaient d’être pendus pour manquer à leurs devoirs, ou qu’importe quel genre de punition on pouvait bien infliger à un soldat qui n’obéit pas aux ordres. Chance se laissa aller à un soupir agacé, tandis qu’il se détournait pour tenter tant bien que mal de trouver une autre issue ailleurs. Mais pour un court instant seulement, car très vite une pression le fit se retourner à nouveau, pour être finalement emporté sans ménagement vers un coin plus calme par Matylda.

D’abord celle-ci s’interrogea sur la marche à suivre. Et très honnêtement, Chance n’avait pas la moindre idée de quelle solution était la meilleure. Les stratégies, ce n’était pas vraiment sa tasse de thé. Mais l’attention du duo finit par se porter sur deux autres lurons qui n’avaient pas plus l’air avancés qu’ils ne l’étaient, du moins était-ce ce qu’il croyait en les observant de là où il se tenait. « Si les autres ne veulent pas qu’on les remplace, ils n’avaient qu’à être là avec nous. » Répondit-il en écho à ce que venait de lui demander Matylda. Il plissa des yeux, le regard toujours porté sur ceux qu’elle lui avait désigné. Quelque chose d’étrange clignota dans son esprit, comme une impression de déjà vu sur deux silhouettes qu’il peinait à distinguer. « On est pas sûrs de pouvoir leur faire conf… Oh mais attends, je les connais ! » Maintenant il voyait très clairement. De toutes les personnes possibles qu’il se serait imaginé croiser à Sodden, à ce moment précis, Skadi et Juan étaient tout en bas de sa très longue liste. Étrange, qu'on se retrouve tous ici, ne peut-il s'empêcher de penser en faisant machinalement un pas dans leur direction.

Oreilles tendues, le capitaine écoutait les dires de sa comparse avec attention alors que les soldats hurlaient déjà les nouveaux ordres. Il secoua la tête à sa proposition d’aller en découdre directement avec les protecteurs de la cité. Il n’était pas encore l’heure de faire un coup d’éclat. Tant que l’armée impériale n’était pas encore en vue, il était inutile d’aller au tas de sitôt.

- Non, ce n’est pas encore l’heure, répondit-il simplement avant de détourner le regard.

Une silhouette sembla venir en approche, sentant celle-ci venir malgré les œillères que lui imposait la capuche de son mantel, Juan lui tourna le dos. Se faisant, il vit alors que la garde commençait à se déployer dans les rues pour faire revenir le calme, malmenant parfois certains qui se refusaient à retrouver la raison.

- On ferait bien de filer et de rejoindre les autres avant de nous faire prendre dans un étau, dit Juan en saisissant l’épaule de Skadi, soyons intelligents, évitons de jouer les brutes, il nous faut garder la surprise jusqu’à la dernière minute sinon le plan sera un échec.

Sans attendre, profitant d’un mouvement de foule provoqué par la garde, les deux alliés du Nilfgaard ne tardèrent pas à disparaitre dans les flots de vies humaines. Il fallait à tout prix éviter de jouer les idiots alors même qu’ils ne pourraient avoir aucun renfort tant que les bannières noires et ors ne flottaient pas encore sur l’horizon. Ce serait simplement un sacrifice inutile.


Son regard s’était perdu dans le vague tandis qu’il surplombait la rue depuis la chambre du premier étage de la maison louée. Cela faisant à peine quelques minutes qu’ils étaient rentrés et déjà le calme se faisait sentir sur la cité. Quelques cris encore dans le lointain mais bientôt ici-bas tout ne serait plus que silence pesant dans une attente longue et difficile.

Juan fit volte-face et se retourna vers la fine fleur du Nilfgaard qui siégeait là. La plupart était des hommes avec qui il avait déjà combattu par le passé et en qui il avait pleinement confiance. Ainsi son regard s’attarda sur Alvarez aep Voorzam, un bâtard comme lui, coquin qu’il connaissait depuis sa plus tendre enfance. Une cicatrice au sourcil gauche attestait des quelques querelles qu’il avait pu avoir dans sa jeunesse. Toutefois la plus impressionnante de toute était l’une de celle qui ne pouvait se voir, zébrant son flan gauche, comme marché au fer rouge, le souvenir d’une hallebarde.

- Messieurs, madame, pour le moment tout se déroule comme prévu, dit-il. Des remarques ?

On y arrivait enfin. Après ce long périple à travers le continent, l’odeur du sang nilfgaardien pouvait enfin s’imaginer. Les affiches de propagandes affichaient de toutes parts sur les murs de Brugge m’incitèrent à me déplacer vers Sodden. La fameuse bataille du Mont Sodden qui résonnait dans toutes les têtes était de nouveau sur le devant de la scène. Mais une fois dans la ville, on n’avait pas grand-chose à foutre que de s’enfiler une ou deux bières à la taverne. Autant la première avait été agréable à boire, dans une ambiance sympathique et bourrue de comptoir, autant la deuxième laissait à désirer… L’annonce des noirs à l’horizon avait ébranlé jusqu’aux fondations de la ville. Tout le monde courrait dans tout les sens, la garde peinait à rétablir le calme… Apparemment, tout le monde n’était pas ici pour en découdre, dommage. Voyant l’attroupement commencer à se perdre dans les nombreux bâtiments, je sentais que la taverne allait être aussi remplie qu’une catin dans un camp de soldat. Alors sans hésiter, je chaparder un broc de jus houblon sur une table et grimpait habilement sur une poutre qui dépassait hors du bâtiment.

J’étais ainsi assis entre le premier étage et le rez-de-chaussée, à l’extérieur, et observer le tumulte. La plèbe dans un sens, la garde en contre sens et certains plantés en plein milieu sans bouger. Ah si, voilà capuche numéro un qui tire capuche numéro deux un peu à l’écart. C’était drôle tout ces comportements. Et regarde le celui-là, à chiper un poireau sur un balcon ! Tiens mais, en parlant de capuche numéro un, ce serait pas cette bonne vieille Matylda de Vicovaro qui n’est plus de Vicovaro parce qu’elle n’a plus rien à y faire ? Penchant la tête sur un coté comme les chiens quand ils ne comprennent pas, je plisse les yeux et m’assure que ce soit bien elle. Et en même temps, une meuf aussi clean ici, y’a pas trop de doute. Je pose la chope de bière sur la poutre, et lève la main vers elle.

Maty !

Evidemment avec le bordel… Comment veux-tu qu’elle m’entende ?

- La loi martiale, le couvre-feu, ça nous assure le champ libre pour agir, mais cela veut aussi dire que nous pourrons aisément être repérés par les soldats ennemis si nous tentons quelque chose pour ouvrir ces foutues portes, dit la sorceleuse.

Elle n’apprenait rien aux hommes qui l’entouraient. Parler l’aider tout simplement à réfléchir, son esprit embrouillé par l’adrénaline qui bouillonnait en elle sous l’effet de l’appel du sang. Le tocsin qui avait sonné plus tôt dans la journée avait réveillé chez la native de Skellige la rage qu’elle avait refoulé depuis des mois. Elle avait eu l’occasion de retourner sur sa terre natale, mais plus rien ne l’attendait là-bas depuis bien longtemps.

- Il y avait quatre soldats au-dessus de la porte lorsqu’on était dans la rue, tout à l’heure. Avec la situation actuelle, on peut aisément penser qu’ils feront des gardes de deux heures, pour ne pas fatiguer les hommes. Ce sera sans compter sur les troupes qui doivent être dans les deux tours qui encadrent la porte …

Il fallait donc trouver un moyen de passer outre les soldats sans trop attirer l’attention sur eux, au bon moment et en évitant que les membres de ce commando ne finissent en charpie. Le genre d’escapade mortelle qui ravirait n’importe quelle donzelle, non ?

- Juan, il faut qu’on décide de la marche à suivre, et vite. J’aimerais avoir quelques heures de sommeil avant de me lancer dans l’arène.

Elle faisait fi des convenances militaires sciemment. Elle n’était pas un soldat du Nilfgaard. Elle ne le serait jamais. Cela la tuerait de l’avouer, mais elle n’était qu’une mercenaire à présent. D'ailleurs, il lui tardait de se débarrasser de ses guenilles de femme modèle pour retrouver son armure ...

Reprenant sa vie d’errance après son second passage furtif en terre du Sud, Mab n’avait cessé de longer la Yaruga cette frontière entre les deux mondes qui encore une fois allait en découdre. Il avait traversé des villages où la rumeur enflait sans cesse. Le Sud arrivait, l’Empire venait faire couler le sang sur le vieux continent.

C’est à Sodden que le conflit le rattrapa réellement, ce matin les portes furent fermer le bloquant dans l’enceinte de la ville fortifiée. Il pensait pouvoir quitter les lieux à sa guise mais il n’avait pu se résoudre à abandonner les laissé-pour-comptes de la ville et des environs. Laisser sortir ce qui ressemblait à un mendiant n'aurait pas été un problème, rentrer à nouveau semblait tâche impossible.

Quelque chose était arrivé depuis son arrivée sur le continent et son exil de Skellige : Ces facultés à soigner et voir par delà les apparences avaient jusqu’à présent été bien aidées par sa connaissance des plantes et leur utilisation dans de nombreuses décoctions curatives… Non il avait senti un don tout particulier s’affirmer nettement depuis qu’il avait posé le pied sur le continent. Et ces pouvoirs allaient en grandissant au même rythme que grandissait la menace du conflit entre le Nord et le Sud.

Conscient du peu de crédit qu’il avait auprès des autorités, il avait décidé de cacher le plus possible ses dons depuis son arrivée il y'a quelques semaines et tâchait au maximum d’utiliser les plantes qui traînaient inlassablement dans sa vieille besace. Mais sa réserve n’était pas illimitée et sa réputation de soigneur allait grandissante. Il savait obligatoire dans un futur proche la nécessite de reconstituer ses réserves mais il présentait dès cette première journée de couvre-feu que cela ne serait pas possible : un aller-retour à l’extérieur afin de reconstituer des réserves lui serait très probablement refusé. Il n'aurait alors plus trop d'autres choix que de commencer à soigner les nécessiteux avec des moyens plus… inhabituels ! Exhortant les patients à la plus grande discrétion, Mab connaissait le risque que la rumeur d'un soigneur s'évente mais il était près à prendre ce dernier.

Les portes n'étaient pas fermer depuis bien longtemps quand Mab l’aperçu. Elle était plus accompagnée que la dernière fois qu’il l’avait vu. En meilleure santé mais pas moins agitée. Skadi la sorceleuse était elle aussi à Sodden. Le grand guerrier qui était avec elle rappelait inexorablement quelqu’un à Mab… l’avait-il déjà vu ? Serait-ce un nouveau don qui lui permettait de connaitre cette personne tout en étant quasiment sur de ne l’avoir jamais vu !

Cette vibration qu’il sentit sur sa nuque lui fit comprendre qu’il n’était surement pas la meilleure idée d’aller discuter avec Skadi immédiatement. Ainsi se mit-il à la suivre le plus discrètement possible. Il savait se rendre invisible aux regards humains dans une forêt, dans les rues d’une ville ? Il devrait faire confiance à ses simples haillons.  

Les deux silhouettes repérées s'en vont sans qu'ils aient le temps de faire quoi que ce soit. Pour le coup c'est une occasion qui passe sous le nez comme une bourrasque soufflée au visage, dommage car Chance avait l'air de les connaitre, ça aurait pu être plus facile. «Et bien ce sont des rapides! tu crois qu'ils essayaient de sortir ?». Matylda hausse les épaules, les deux oiseaux envolés aussi rapidement il faudra voir pour une autre solution plutôt que sortir de là en groupe. Où est ce qu'ils en étaient ? Par dessus ou par en dessous ? Elle ignore si la ville possède des souterrains par lesquels ils pourraient quitter les lieux sans être vus et sans se faire accuser de trahison par les gardes. Elle se concentre pour essayer de leur trouver une solution qui leur permettrait de ne pas être vus, utiliser la magie au milieu de tout le monde est un pari risqué. Son regard posé sur Chance qui a l'air de réfléchir également, elle entend une voix familière appeler son prénom. Elle se retourne et remarque la silhouette de Vitharr alors qu'il n'a pas l'air aussi angoissé que les autres habitants. Une bière à la main, elle lui envoie un sourire et se tourne bras croisés. Et tiens ça leur fera des bras et un cerveau en plus. S'ils passent pas le caniveau il saura lui éviter de salir sa robe.

« Tu as l'art et la manière de festoyer quand le moment n'est pas le bon  Vitharr. » Elle se tourne vers Chance afin de lui murmurer à l'oreille qu'il est un type de Skellige même si c'est bien assez flagrant. La flotte ça le connaît, alors il ne devrait pas être trop dépaysé dans des égouts. Elle fait un geste de la main au nouvel arrivé pour lui proposer d'entrer dans le cercle de leurs confidences. « Tu connais bien cette ville ? Par hasard tu n'aurais pas en connaissance d'éventuels passages secrets ? Ou peut être un réseau souterrain ? » Toute information est bonne à prendre, et puis de toute manière elle pense qu'il vaudrait mieux attendre la nuit tombée pour ne pas attirer les regards des curieux. A trois ils devraient pouvoir avoir de bonnes idées d'évasion.

Juan opina du chef en écoutant Skadi prendre la parole. Bras croisés sur le torses, il observait le reste des hommes tout en réfléchissant à la fois. Il fallait être malin et garder l’effet de surprise le plus longtemps possible, là était leur objectif premier.

- Tant que notre armée, ne sera point apparue sur l’horizon, la porte principale ne doit pas être notre objectif prioritaire, répondit le jeune capitaine. Nous devons effectuer un travail de sape sur les défenses de la ville, fragiliser tout ce qui peut l’être pour que durant l’assaut la résistance se fasse moindre.

Il avait déjà de bien nombreuses idées en tête pour que le siège dure le moins longtemps possible et assure la victoire aux impériaux. Ils allaient devoir jouer les saboteurs, aussi discrets que des rats une nuit sans lune.

- Skadi a raison, ce couvre-feu est une aubaine mais c’est à double tranchant, chacun de nos déplacements devra se faire dans la plus grande des discrétions. C’est pourquoi  nous allons attendre la nuit. Et il faudra faire attention, même si les portes de la cité sont closes, il y a fort à parier que certains voudront quand même se faire la malle.

Autant dire que le risque d’escarmouche était élevé et que cela pourrait leur être préjudiciable. Il fallait espérer qu’ils auraient le moins possible à user de leurs épées. Juan redoutait que cela puisse arriver mais il souhaitait repousser cela au mieux pour que tout se déroule selon leurs plans.

- Je ne vous retiens pas davantage, prenez quelques heures de sommeil bien mérité, dit-il finalement pour conclure. Alvarez tu prendras la première garde.