J'avais un camarade » adrianna t.

Le Comte de Trysfin aurait pu congédier Ahmar pour ne plus subir ses remontrances, hélas il sait qu'une partie de lu a besoin d'entendre ce genre de chose. Adrianna dans le désespoir de le remettre en forme lui a souvent répété qu'avec un peu de volonté on peut tout faire, qu'il devait prendre cela comme un nouveau défi et user de sa force mentale pour s'adapter. Tout comme un soldat s'adapte à son environnement, tout comme il doit être présent qu'importe le lieu et le moment. Mais sa flle, n'ayant pas d'expérience dans la vie selon lui par son jeune âge, il ne lui donnait pas de crédit. Sa fierté l'empêchait d'y adhérer alors qu'il s'enterre de plus en plus dans la culpabilité et dans la honte. Mais la voix d'Ahmar aussi tranchante soit elle, il lui dit de ces choses qu'il a besoin d'entendre et il a raison de ne pas le ménager. Adrianna derrière la porte presse ses mains jointes contre sa poitrine, espère que cela sera suffisant pour lui ouvrir l'esprit, lui sortir la tête de l'eau. Le Comte le laisse ainsi parler, et dans son entêtement se dit que c'est facile de dire cela alors que lui a ses deux jambes  et qu'il ne dépend de personne pour chaque mouvement qu'il fait.

Adrianna est sa nouvelle héritière et même si cela n'est pas le schéma qu'il avait espéré toute sa vie puisqu'il voulait offrir ces terres riches à son fils aîné, il va falloir qu'il se mette en tête qu'il n'y a pas d'autres solutions. Il avait pour projet de la marier à un seigneur du coin, sans forcément viser haut puisque sa sœur aurait bénéficié d'un mariage très riche. Adrianna devra apprendre tout ce qu'il a appris à son fils, et comment le peut il sans pouvoir se déplacer librement ? Il sait qu'elle est volontaire, qu'assumer l'héritage ne lui ferait pas peur. Parfois elle lui rappelle ce qu'il a été dans sa jeunesse, volontaire, fougueuse tout en ayant le calme et la sagesse de sa mère. Elle ferait une bonne Comtesse, si seulement il pouvait lui donner les clefs du succès et la préparer à cela.

Le Comte lève les yeux vers son frère d'arme, qui continue de remuer le couteau dans la plaie, il se souvient dans sa jeunesse, ils se provoquaient de cette façon pour finir par se quereller en toute amitié. Des chamailleries, presque une compétition entre eux, qui serait le plus fort. Aurait il envie de se mesurer à lui de nouveau ? Le Comte en se laissant aller s'est vu marqué par les années passant, il fait ainsi bien plus vieux que son âge. Le deuil la mort, pourtant il connaît pour avoir vu nombreux camarades tomber. Pour autant il ne laissait pas tomber Nilfgaard et là il a laissé tomber son Comté pour la mort de deux êtres chers... Il regrette, amèrement. Le regard sévère d'Ahmar lui transperce le cœur et le corps de part en part, poussé au jugement qu'il mérite, un pavé dans la marre.

« Tu te souviens du guerrier que j'étais ? »

Le Comte pose son livre sur la table et fait alors usage de la force de ses bras pour faire tourner les roues de sa chaise. Il se déplace alors jusqu'à la fenêtre où il devine l'étendue de ses terres et le soleil qui brille toujours sur Trysfin. Il ne sera jamais plus l'homme qu'il a été, tout comme ses enfants ne reviendront pas à la vie.

« Tu as raison mon frère, encore une fois, tu as toujours été plus sage que moi. J'ai des devoirs envers Niflgaard, envers ma famille, envers mes gens. Il est tant pour moi de remplir mes dernières missions. »

Cela n'empêche qu'il soit fatigué, très fatigué, parce qu'il s'est trop laissé aller. Il aura besoin d'aide pour tout remettre sur pieds et à ce moment là Adrianna devra l'y aider à la tâche. Il soupire, sort de sa poche un tissu pour essuyer son front, il lui faudra du temps pour retrouver cette volonté là, mais il a entendu et il sait que c'est à lui de faire l'effort.

« Merci mon ami, de m'ouvrir les yeux. Mais je ne peux m'occuper de ces terres, je suis malade, épuisé. Je dois user de mes forces pour former ma fille qui sera Comtesse de Trysfin, elle m'assistera d'abord puis prendra ma place quand elle sera mariée. »

Elle observe le regard de son frère d'arme, il ne pourra pas faire tout ce qu'il faisait auparavant, il n'en aura pas la force alors il espère trouver dans son regard, comme une approbation qu'il fait le bon choix. Voilà longtemps qu'il n'a pas pris de décision stricte, laissant Trysfin vivoter, laissant le temps péniblement s'écouler.

Le Comte fait de nouveau tourner les roues de son fauteuil pour aller jusque vers son bureau, d'où il sort les lettres des Seigneurs Niflgaardiens qui demandaient un mariage arrangé avec Adrianna, nombreuses datent de quelques années, il doute que pour certaines cela soit encore valable. Le Comte les avait laissées de côté par orgueil, pensant que tout le monde se jetait sur la main de sa fille dans l'unique bu de le rabaisser ensuite. Il a laissé le temps passé, dans un déni pur et dur, comme s'il refusait que quelque chose change, comme si son fils était toujours là pour reprendre son héritage. La placer comme héritière revenait à accepter la mort de son aîné, hors il n'y parvenait pas. Il observe les lettres, reconnaît les armoiries, il les passe un à un. Pour les Seigneurs de Metinna, il n'est pas en conflit avec mais depuis quelques années il tourne le dos à tout le monde alors il préférerait autant se tourner ailleurs. Le Comte fronce les sourcils, passe les lettres une à une, se souvient des héritiers dont beaucoup de garçons en bas âge. Il aurait dû la fiancer quand elle état enfant, car maintenant il doit penser aussi stratégie géopolitique.

« Les Seigneurs de Metinna savent que je n'ai plus de fils, ils espèrent sans doute prendre le dessus sur mes possessions pour agrandir leurs domaines. Regarde donc, onze ans, sept ans, neuf ans.... Si je décède dans l'année leurs pères prendront la gestion de Trysfin tant que leurs fils ne seront pas assez expérimentés. »

Sa main s'abat sur la bois de son bureau, sa paranoïa sera difficile a soigner, tant qu'il se sentira en position de faiblesse, tant qu'il n'aura pas repris confiance. Adrianna lui en voudrait de la marier à des enfants de surcroît, elle se fait trop âgée. Il laisse les lettres de côté, les repousse d'une main.

« Et toi ? Ne veux tu pas te marier à ma fille ? »

Quelque chose s’était éveillée chez son ancien camarade. Une flamme s’était mise à briller dans l’obscurité qui était celle du seigneur des lieux. Loin d’être une torche dans les ténèbres, la lueur était assez vive pour faire naître un espoir. Ce n’était qu’une question de temps avant que le brasier ne prenne durablement pour illuminer à nouveau le domaine. Mais il voyait la fatigue sur le visage de son ami. Les années avaient laissé des traces indélébiles sur lui. La silhouette était empattée, le dos voûté, les membres inférieurs avaient tout d’un souvenir douloureux. Les bras avaient encore de la dextérité, mais le sentiment de résignation étaient plus fort que tout. La vision effleurait l’âme d’Ahmar sans que celui-ci en éprouve de la pitié. Le général était un être bien trop rationnel pour se laisser aller aux sentiments. Et puis il n’y avait rien de pire que de lire la pitié dans le regard de quelqu’un pour qui l’on avait de la considération. Le militaire ne pouvait lui faire cet affront.

Ahmar écoutait avec attention la réponse que lui offrait son ami. Malgré la motivation qui venait de s’éveiller, il ne s’en montrait pas moins attentif et avare en témoignages quelconques de bons sentiments. Cette facette là, il la gardait uniquement pour ses filles envers qui il pouvait exprimer un visage bien différent de celui qu’il montrait au quotidien. La conversation s’orienta bien rapidement sur les questions de mariage. Une affaire bien délicate à présent qu’Adrianna était devenue la seule héritière. Une perspective bien peu attrayante si l’on avait voulu que le comté reste dans la famille Trysfin. Le général comprenait la situation mieux que quiconque, lui qui avait évoqué le fait qu’il n’avait que des descendances féminines pour son propre comté. Il n’était pas prêt à voir le premier petit prétendant qui viendrait frapper à la porte de chez lui en sachant qu’il deviendrait sans doute un jour le maître des lieux. Non, Ahmar voulait que ce soit son sang qui reste à la tête de ses terres. Il était prêt à bousculer l’ordre hiérarchique uniquement pour son propre intérêt. Et puis les années lui avaient prouvé qu’une femme était tout autant capable qu’un homme. Sur ces mots, son camarade lui proposa la main d’Adrianna.

- Je ne suis absolument pas l’époux qu’il faudrait à ta fille, répondit-il simplement.

Son esprit s’était aussitôt mis à réfléchir pour considérer la question. En effet, le comté avait besoin d’un mariage, d’une alliance profitable aux deux parties. De par son rang, son emploi et surtout sa personne, Ahmar ne pouvait accepter pareil proposition, quand bien même il y avait peut-être un peu de second degré… de désespoirs aussi derrière celle-ci.

- Mais à bien y penser, j’aurai peut-être un prétendant digne d’elle, ajouta-t-il après quelques longues secondes de silence. Si un nilfgaardien pur souche peu intéresser Trysfin.

La proposition était lancée, peut-être allait-il la prendre au vol et la considérer avec attention. Dans tous les cas, le général avait déjà un nom en tête, encore fallait-il parvenir à le faire entrer dans les bonnes grâces de son ami.  

La douleur restera, indélébile, probablement elle ne le laissera jamais en paix. Mais autour de lui, il n'est pas le seul à souffrir de la perte de l'héritier et de sa fille. Il est chanceux, sa femme et Adrianna ont fait preuve de patience, sans doute aussi les habitants du Comté, pourraient ils seulement lui pardonner son manque d'intérêt pour eux ces quelques dernières années ?  Il réalise peu à peu, que ce n'était pas la meilleure façon d'honorer leur mémoire, aussi douloureux cela soit il. Il n'acceptera jamais leur disparition, avec ceci le fait d'être incapable, parce que c'est parfaitement ce qu'il croit, ce qu'il s'est mis en tête en revenant de la guerre blessé. Alors qu'il a encore toute sa tête. Il doit cesser de se laisser mourir, attendre désespérément que le temps passe, alors qu'il est encore en bonne santé. Les mots d'Ahmar l'ayant profondément touché, le Comte de Trysfin décide de reprendre les choses en mains et voir en Adrianna l'espoir de jours meilleurs. Un regard jeune et frais pour Trysfin, c'est ce qu'il y aura de meilleur et c'est sans doute aussi ce que tout le monde attend ici, car elle est très appréciée des habitants. Mais avant toute chose, il souhaite la marier, afin de lui assurer une sécurité mais aussi éloigner les charognards qui auraient pu penser que c'est une terre à conquérir dès l'instant où il mourra. Les prétendants pour Adrianna il y en a beaucoup ainsi que le montre ces lettres reçues et laissées dans un coin de tiroir mais le Comte les a balayées.

Des enfants pour la plupart, et des pères avides d'argent et de fortune. Trysfin est un riche Comté de Metinna, tout le monde en voudrait sans le moindre doute. Alors en regardant Ahmar, son ami, il voit la possibilité d'avoir confiance. Il lui propose, il ferait un bon parti pour Adrianna et lui aurait l'assurance qu'on essaye pas voir Trysfin pillée de ses richesses pour finir en vastes champs d'agriculture. Il refuse, le Comte s'y attendait, il aurait été une très bonne option même si Adrianna aurait certainement préféré quelqu'un d'autre qu'un vieil ami à son père.

Ahmar semble pourtant avoir bien plus de ressources, et cela n'étonne pas le Comte de Trysfin qui lève les yeux vers son ami. S'il est Nilfgaardien pur souche alors c'est déjà une bonne chose, mais ce n'est pas le seul critère qu'il aurait pour marier Adrianna, surtout puisqu'elle est l'héritière, ce mariage doit être stratégique et rassurant pour tout le monde. Connaissant Ahmar, ce dernier doit déjà connaître ces critères là et c'est bien pour cela que le Comte de Trysfin montre un air fortement intéressé. Si Ahmar pense que ce garçon peut convenir à sa fille c'est qu'il a de bonnes raisons d'y croire. « Un homme j'espère et non pas un enfant. » Il se permet de plaisanter en venant joindre ses mains. Ca l'arrangerait qu'il puisse avoir un prétendant pour sa fille, quant aux autres il n'y donnera certainement pas suite. Pour le moment la discussion devient sérieuse.

« Parle moi de ce jeune homme » Adrianna ne fera pas d'histoires sur son mariage, elle sait qu'elle n'a pas le choix, certaines filles refusent catégoriquement de se marier, croyant au grand amour. Avec elle il a de la chance, parce qu'elle comprend la problématique et tout ce qui va graviter autour du mariage n'est pas juste pour faire en sorte qu'elle ne finisse pas seule et sans protection, c'est l'avenir de Trysfin qui en dépend, même si Adrianna seule sera tout à fait capable de tenir un Comté s'il fait bien son travail. Cet élan de remotivation est vivifiant, et plus vite cela sera concrétisé et plus vite il aura l'impression d'avoir finalement servi à quelque chose. Et quand le soir viendra alors il pourra retourner à ses lamentations et ses regrets sans pour autant mettre la santé de ses terres en danger.

Toute ouïe, il est curieux de savoir qui est ce jeune Nilfgaardien pur souche. Et la concernée derrière la porte se permet de coller un peu plus son oreille, curieuse de savoir aussi qui est ce jeune homme avec qui elle pourrait faire le reste de sa vie. « Je veux tout savoir sur lui » Ajoute le Comte.