Melusine ➸ Une sorceleur qui se fait passer pour une fée

Je n'étais pas la bienvenue dans la famille. J'étais de celle qui montrait le sang elfique de notre famille, du côté de mon père. Mes yeux violets le montraient aisément. Mes yeux violets, mes yeux maudits. J'étais M, juste M. On m'a appelé Melusine comme la légende de la Fée Serpent des contes pour enfants. J'étais le paria et je l'avais bien comprise. Enfant, je ne riais jamais, je ne souriais jamais, je toisais le regard de mes pairs, un regard profond qui rendait mal à l'aise quiconque me regardait. J'étais sourde aux coups, je ne le sentais plus, j'avais fini par m'y habituer. Mon géniteur me haïssait, ma génitrice avait peur de moi, ainsi que mes 4 frères et 3 sœurs. Enfin, sauf une, Lysanna, elle avait à peine deux ans de plus que moi, mais elle me nourrissait et était plutôt fascinée par mon apparence et mon regard violet qu'elle aimait dessiner en secret, dans son carnet de croquis. J'étais la dernière, le mouton noir qui a appris très vite à être indépendante. On disait que j'étais née un 6 juin, un soir de pleine lune maudite. Le Géniteur hurlait constamment des malédictions qui pesaient sur notre famille à cause de moi. Je levais souvent mon regard vers lui et un sourcil s'arquait, se demandant s'il avait terminé son mélo drama ridicule.

Un soir, j'avais 10 ans. Joyeux Anniversaire M. Seule Lysanna me l'a souhaité, m'ayant donné un petit peu de son dîner et de son dessert. J'étais dans la grange avec les animaux. Tandis qu’elle voulait retourner dans la chaumière, le Géniteur est arrivé furieux. Il a hurlé et l’a frappé très fort pour ensuite fondre sur moi, disant que je l’avais ensorcelé pour qu’elle me nourrisse. Ses coups étaient désarçonnant et j'étais peu habituée à cette violence inouïe et répétée. Une odeur putride d’alcool me grattait le nez. Certainement venant de lui. Ma tête résonnait, ma vue était brouillée. J’ai bien discerné une silhouette avec une fourche. Une fourche qui voulait fondre sur moi, or j’ai senti une masse douce se coller à moi et un hurlement de douleur, puis, du liquide sur mon visage. Il a tué ma seule raison de rester dans cette chaumière et de vivre. Le Monstre hurle la Mort. J’ai poussé le corps sans vie de Lysanna pour me relever tremblante. Mon corps entier était sous le choc. Ma tête me somma de filer. Je me suis précipitée dehors pour courir vers une monture, encore attelée. Le Géniteur a dû partir en ville pour boire comme à son habitude. Une fois à dos de l’animal, j’ai filé loin. Loin de cet enfer. Loin de la Mort.

Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé avant mon réveil. Ou du moins, je ne m'en souvenais pas immédiatement. Des flashs de mémoire m'ont percuté la tête. C’était douloureux. Comme mon corps. Il était douloureux. J'avais des marques de morsures et des côtes cassées et j'ai hurlé de peur, ignorant l’endroit où j’étais et ce qu’il s’était passé. On m'a soigné, sommé de me taire et une vapeur de brume m'a emporté dans les tréfonds d'un drôle de sommeil. C'est ainsi que j'ai pu rejoindre ma nouvelle famille. Une famille particulière, qui ne fait pas dans la dentelle. L’on m’a raconté que j’étais arrivée dans une forêt sombre, poursuivie par des créatures. Ma monture fut attaquée et j’étais tombée durement au sol, d’où les côtes cassées. Je pensais que mon heure était venue lorsque la créature m’a mordue en plein bras, mais le Maître m’a sauvé la vie et emmené avec lui. J’avais le choix entre partir et mourir ou rester et vivre. J’avais une dette envers le Maître. Je suis restée … et c’est ainsi que j’ai été formée par l’école de la Vipère.


« Pourquoi tu ne parles par de ta vie passée Sorceleur ? Tu dis toujours que ta vie a commencé à 10 ans, pourtant cela est impossible
- Rien n’est impossible Barde, ma vie d’antan n’est pas aussi importante que celle d’aujourd’hui
- Pourtant la femme de tout à l'heure semblait te connaître
- La femme que l’on a vu était perturbée parce que je suis une Sorceleur et u r elfe, elle disait n'importe quoi
- Mais …
- Silence Barde, je ne veux plus jamais en parler. Comme je ne veux plus que l’on parle d’un passé qui n’est plus. Compris ?
- Compris … je n’aime pas ce visage sombre dépourvu de tes fabuleuses grimaces
- Tu es incorrigible …
- Oui, mais tu m’adores ! C’est pour cela que tu m’as avec toi !
- Tu distrais les monstres avec tes cabrioles et tes chansons, tu m’es utile barde ! »

Un sourire, une grimace et un éclat de rire nous fîmes finir cette conversation que je souhaite mettre de côté. Cette femme, était ma génitrice. Elle m'a reconnu dans le bar, elle a hurlé et a parlé d'elle, celle qui n'est plus et qui m'a sauvé la vie. Au moment où elle allait parler de lui, je l'ai sommé de se taire en me levant et en lui faisant face. Elle a été impressionnée par mon charisme et mon allure, malgré ma taille peu impressionnante. Elle n'a plus reconnu celle qu'elle a mise au monde, elle a vite compris que j'étais et serais à jamais une étrangère pour elle. Elle est la femme de celui que j'appelle Le Monstre ou M dans mes pensées. Il m’a fait bien plus de mal que l’on n’y parait. Son Mal me ronge encore aujourd’hui. Je le vois dans mes songes les plus atroces, il est celui que je crains le plus. Pourtant, j’en ai vu des monstres, j’en ai combattus des hommes, des bien plus terribles que lui. Mais tant qu’il me hante, tant qu’il est encore en vie, mon âme souillée et brisée aura dû mal à se réparer. Je me souviens encore des coups qu'il me donnait, mais aussi d'autres choses, des insultes aussi. Il disait que j'étais le mal incarné, que j'ai apporté le malheur avant ma naissance et que ça continuerait encore plus tard. Je n'aurais pas dû naître, ma naissance était le fruit d'un enchantement, d'une malédiction. Le Barde ne le sait pas, mais il m’est utile a bien des points. Il m’aide à espérer, à rester en vie et à croire en la bonté des Humains. Il ne m’a jamais jugé et je trouve cela apaisant et bienvenu de sa part.  

Ma vie dans l’école de la Vipère m’a été dure et terrible, mais j’ai aimé avoir été entraînée par les meilleurs professeurs. J’ai appris à me battre, utiliser les Signes et surtout manier les poisons contre mes ennemis. J'aimerais tant être une Sorceleur à part entière et passer l'épreuve des herbes. L’on dit que mes pairs, entraînés par l’école de la Vipère, sont comme cet animal. Et c’est une vérité. Nous le sommes. Nous nous tapissons dans l’ombre pour surgir au moment opportun. Notre poison peut être terrible et dévastateur, tout comme il peut être guérisseur. Nos mouvements sont fluides, si fluide que l’on pourrait croire que nous n’avons pas d’os. J’ai commencé à être une enfant assez étrange, qui aimait faire des grimaces et des têtes étranges. Cela est devenu ma propre signature, je suis devenue très expressive, tout en pouvant être neutre. Mon passé est mon secret, caché derrière mon visage bien étrange. Mes grimaces font bien rire, mon air excentrique aussi, et c'est ainsi que j'en profite pour frapper. L'on me sous estime énormément et je prends cela comme un avantage. J'ai l'impression d'être faite pour l'assassinat, en particulier de "monstres". Les humains peuvent être des monstres lorsqu'ils le désirent, les pires qu'ils soient. Alors, je prends les contrats et je les exécute. Mon désire et d'effacer toute la vermine qui foule notre terre.  

Bien des années après mon enseignement, j’ai rencontré le Barde au détour d’une forêt. Il se faisait attaquer par des brigands et allait se faire tuer. Je suis arrivée et lui ai sauvé la vie. Par moment, nos chemins se croisent et se décroisent, mais c’est toujours avec bonheur que nous nous retrouvons, souvent autour d'un bon repas. Sa simplicité et son enthousiasme à la vie me feront toujours rire. Je lui apprends parfois à se battre, lorsqu’il le demande et il devient très doué. Mais il est par moment trop curieux. Il souhaite savoir qui j’ai été avant d’être celle que je suis et je ne laisserais personne connaître cette partie de mon histoire.


« Tu crois que j'suis maudite ?
- Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Je ne sais guère, l'on me craint et détourne le regard
- Tu es une femme, elfe et sorcelleur. Bien sûr qu'on te crait ! Mais je ne pense pas que tu sois maudite mon amie, c'est juste parce que tu es ce que tu es que l'on te crains. L'inconnu fait peur aux ignorants, voila tout »

Nous étions en train de manger dans une taverne. Il n'avait pas pris cette question au sérieux, mais je me sentais réellement maudite, en plus d'être hantée par mes cauchemars. Une oniromancienne était en ville, j'ai donc décidé d'aller la voir pour discuter avec elle de mes cauchemars et de cette sensation que j'avais. En entrant dans son antre, la femme me regarda, elle paraissait étrange, des cheveux pas très coiffés, un maquillage prononcé, elle semblait avoir des marques tracés et imperméable sur la peau. Son regard se planta dans le mien et elle me pris la main. Elle m'emmena de force à une table


« Ton destin est scellé Sorceleur. Tu n'es pas que faite pour assassiner des lords ou autre type de contrat
- Que voulez-vous dire ?
- Oooooh *rire* .... tu penses être maudite ma chère, mais il en est tout autre .... je peux en voir plus pour quelques pièces de plus
- Tu auras tout ce que tu désires oniromancienne. Parles »

Elle me regarda, surprise. Et elle me dévoila ma triste destinée. Et c'est ainsi que je compris pourquoi ceux qui m'ont mis au monde m'ont tellement détesté. Mon destin était scellé dès ma naissance par un homme, j'étais son dû, son enfant-surprise. Je n'étais pas la bienvenue, ni la désirée, car ils espéraient avoir quelque chose d'autre. Tout, mais pas un enfant. Et je compris aussi que je n'étais pas la digne fille de mon géniteur, puisqu'il n'a jamais touché celle qui m'a accouché. Mon véritable père était un elfe qui avait séduite ma génitrice en passant par la Lyrie. J'étais réellement l'indésirable de la famille. Il abusait de moi pour me détruire, pour me voir mourir de mes propres mains. C'était ce qu'il disait. C'était ce qu'il voulait, c'était cette raison pour laquelle mes frères et soeurs, autre que Lysanna, me traitaient comme une indésirable et m'ignoraient ... et c'est depuis ce jour que je n'ai qu'un seul et unique but : retrouver l'homme de ma destinée.

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