| Dim 29 Nov - 13:48
La Mort aux trousses
A la frontière entre Brokilon et la Témérie - 25 octobre 1271
La bataille était déjà loin derrière les voyageurs qui marchaient sans relâche dans la nuit bien fraiche, le regard fixé vers le nord. Pour les guerriers présents, les souvenirs devenaient déjà flous, noyés sous la douleur causée par la perte de camarades et la peur de savoir l’armée noire encore trop proche. Il y avait eu du sang, un massacre et un rugissement effrayant, qui avait glacé le sang des soldats. Le genre de rugissement qui n’est pas humain. Le genre qui vous rappelle que vous êtes une créature bien faible que l’on pourrait écraser si facilement … Mais la pluie, la panique de la mêlée avaient protégé en partie le secret du baron de Kern, qui marchait en tête de la colonne de réfugiés. Bien sûr, ses hommes les plus proches avaient vu ce qu’il était, et certains avaient préféré périr ou prendre la fuite plutôt que le suivre. Ceux qui marchaient derrière lui étaient convaincus qu’il restait un bon chef, et une bonne assurance de survie.
C’était ce terrible secret qui avait sauvé une poignée d’hommes de la bataille. Leur fuite dans la forêt avait été couverte par la transformation du baron, qui n’avait pas hésité à massacrer tout homme vêtu d’une armure noire qui croisait son chemin. Malgré cela, il n’avait su faire face à l’autre créature présente ce soir-là. Etait-ce un vampire ? Les choses étaient trop floues pour en être sûr, mais le baron en aurait mis sa main à couper.
Alors que la position tombait, Jorge avait dû faire un choix. Devait-il continuer à suivre un roi voué à sa perte face à une armée de toute évidence bien plus nombreuse et plus puissante qu’elle ne l’avait jamais été ? Ou devait-il simplement penser à sa famille et les habitants de son baronnet qui étaient menacés d’une mort horrible ? Sa présence sur cette route, à la frontière de la forêt de Brokilon était peut-être un début de réponse.
Fuir Kern n’avait pas été chose facile. C’était ici qu’il avait grandi, ici que lui et sa famille se sentaient en sécurité. Peu de monstres peuvent se targuer d’avoir si bien trouvé leur place en ce bas monde, mais les ancêtres des Wernfort avaient su bâtir un sanctuaire pour leur existence maudite. Peu de générations s’étaient succédé dans ces murs, mais il y eut assez d’esprits libres et brillants pour en faire un foyer unique pour une ancienne tribu de nomades. Voir la silhouette du bourg s’estomper avait brisé le cœur du jeune homme dont l’orgueil était déjà bien attaqué par l’échec de la bataille. Lorsqu’il lui arrivait de dormir, il entendait les cris et les gargouillis de ses hommes morts au combat, et ces bruits le hantaient jusqu’à tard dans la journée. Seule la marche interminable et éreintante semblait apaiser son esprit tourmenté. Il passait le plus clair de son temps muré dans le silence, tirant un des chariots dans lesquels on avait entassé de quoi survivre et dans lesquels ont chargeait souvent les enfants, trop fatigués pour continuer à marcher ainsi sans relâche à longueur de journée. Quelle que soit la distance que le convoi couvrait, cela ne semblait jamais assez pour leur permettre de se sentir en sécurité.
Il leur faudrait encore cinq à dix jours pour enfin atteindre la Témérie, mais le baron savait que cette contrée ne marquerait pas la fin du voyage des réfugiés de Kern. Là-bas, il leur faudrait trouver un endroit pour installer enfin un camp provisoire qui permettrait de recueillir la centaine de réfugiés. Le soir, autour d’un feu de camp, la famille Wernfort et leurs hommes les plus fidèles se retrouvaient pour parler de cet avenir incertain. La mère du baron parlait de ses relations à travers les royaumes du Nord et il avait été décidé qu’une fois la frontière franchie, ils enverraient des messagers dans les différents à travers tous les royaumes, jusqu’en Koviss et Povir, pour réclamer l’asile des réfugiés. C’est aussi lors d’une de ces soirées que fut formée la hanse de Kern, rassemblant la famille Wernfort et ses hommes. Sa devise ? Face à la mort, nous rugissons !
- astrithr - | |
| Jorge de Kern◮ Le Modérateur |
| Dim 29 Nov - 16:27 Extrait du journal d’Ada Wernfort
13 octobre Nous avons fui notre foyer. Je hais Jorge pour avoir osé se laisser écraser par l’armée noire ! Qu’allons-nous faire à présent que nous avons tout perdu ? La peste soit de cet idiot ! Mère ne cesse de me répéter que je dois garder la tête haute, mais elle n’a pas à supporter les pleurs incessants d’Annika, elle.
16 octobre Grâce au ciel, nous avons atteint la forêt de Brokilon ! Mère dit que les sbires du Nilfgaard n’oseront pas s’approcher de ces bois maudits, mais je la trouve bien confiante. Le passé nous a prouvé que les malheurs arrivent bien vite lorsque la bannière noire flotte trop près de vous. Annika a enfin cessé de pleurnicher, mais j’en viens à regretter ses simagrées, maintenant qu’elle ne cesse de piailler aux côtés de Jorge.
23 octobre Notre fuite semble être interminable alors que nous poursuivons notre périple aux abords de la forêt de Brokilon … Comme il me parait loin, le temps où je pouvais étudier dans la quiétude des murs de notre demeure ! Pourtant, malgré cela, une lueur d’espoir a vu le jour hier, lorsque mes compagnons ont décidé de fonder la Hanse de Kern. Réunis sous la bannière du baron déchu de Kern, mon frère, nous ferons tout ce qu’il est en notre pouvoir pour reprendre notre forteresse. Mère ne cesse d’écrire des missives que nous enverrons à travers le continent pour quérir l’aide des puissants de ce monde, tandis que je fais mon possible pour rassurer nos gens. J’essaie de ne pas penser à tous les vieillards qui n’ont pas pu nous suivre, mais leurs pleurs me hanteront à jamais. La guerre nous pousse à faire des choses que nous regrettons, sans nul doute …
31 octobre Nous avons franchi la frontière. Je n’avais jamais vu la Témérie. A vrai dire, je n’ai jamais voyagé plus loin qu’à Brugge. Ici comme ailleurs, les routes empestent le fumier et la vie n’est pas différente. Je ne me ferai jamais au regard que nous lancent les paysans lorsqu’ils nous voient passer. On sent qu’ils savent que nous apportons la mort dans notre sillage …
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| Jorge de Kern◮ Le Modérateur |