«
Je ne pensais pas te revoir un jour, Calion. »
Un sourire en coin, le regard rivé sur les flammes qui s’envolent dans les airs. C’est la nuit de Belleteyn, une des fêtes préférées de l’enchanteresse, probablement parce qu’elle est née à cette époque là, au printemps. Elle avait hésité à sortir, à se montrer pour une telle occasion alors que le Roi de Temeria était décédé seulement quelques jours plus tôt. L’heure n’était pas à la célébration, car la mort d’un roi, même dans un royaume voisin, menait toujours à des enjeux politiques qui dépassaient la sorcière.
«
Moi non plus, à vrai dire, Eir. Tu n’as pas changé, pas une ride. »
Elle ne peut s’empêcher de rire à ces mots.
«
Je ne peux pas en dire autant pour toi. »
A la sortie d’Aretuza, elle avait décidé de choisir une apparence d’une femme dans sa vingtaine, jeunesse éternelle, douceur et froideur. Et malgré son physique inchangé, elle avait bien senti le temps passer. Trente années qu’elle n’avait pas vu Calion, ce vieil ami, ancien amant, une des personnes qui a le plus marqué l’esprit de l’enchanteresse.
«
Que deviens-tu, Eir ? »
Elle même ne savait pas que répondre à cette question. En trente années, un tiers de la vie de la magicienne, il s’en était passé des choses, elle ne savait que mentionner, elle n’avait pas envie d’embarrasser l’ancien mercenaire de banalités de la vie d’une enchanteresse.
«
La guerre, principalement, je pense que tu n’es pas passé à côté de ces événements. Lorsque nous nous sommes vus la dernière fois, je siégeais aux côtés du Roi de Rivia jusqu’à la mort du Roi Reginald. »
Elle n’avait pas continuer à conseiller la cour des Royaumes de Lyria et de Rivia car on lui avait proposé une position qu’elle désirait depuis bien trop longtemps. Une place en tant que professeur à l’académie d’Aretuza s’était libérée, et c’était à Eir que la place était revenue.
«
Je suis finalement devenue professeur comme je l’espérais. Je ne sais pas si tu t’en souviens. A l’époque, tu m’avais demandé ce que je voulais être. La chance m’a souri, pour quelques années. »
Évidemment, son temps à Aretuza n’a pas duré éternellement. Si elle avait refusé de se mêler à la bataille du mont Sodden, ayant juré de rester neutre politiquement, elle n’avait pu échapper au désastre que fut le soulèvement de Thanedd. Elle s’en souvient encore comme si c’était hier. Que sont trois années pour une enchanteresse de près d’un siècle ? Elle ne s’était pas remise de la trahisons de certains et certaines qu’elle pensait bien connaître. Sa vie en tant que magicienne lui avait appris à se méfier de son prochain, elle avait toujours sur que chacun agissait généralement de manière égoïste, mais ce soulèvement avait profondément bouleversé Eir.
«
Après le soulèvement de Thanedd, j’ai décidé de mener une vie plus simple, plus discrète. Je suis de retour à Novigrad même si cette cité me semble complètement étrangère. »
Si la sorcière était originaire de la cité libre de Novigrad, il lui avait fallu un moment pour s’habituer au mode de vie, à la foule, aux pauvres gens, aux odeurs. Ce qui semblait assez ironique, c’est qu’il était plus simple pour elle de passer inaperçue dans toute cette foule. Elle regrettait amèrement de ne jamais avoir été invitée à rejoindre ce que l’on appelle la Loge des Magiciennes, visiblement pas considérée comme suffisamment douée pour y avoir un droit d’entrée. Amertume, rancune, parfois colère. Eir était de celles qui se fichaient de la politique et qui mettait en priorité le destin de la magie, de cet art, de cette science, de ce chaos.
«
Et toi, Calion ? J’imagine que tu n’arpentes plus les routes à la recherche de contrats. La vie de mercenaire doit te manquer. »
Il hoche de la tête, un léger sourire aux lèvres. L’homme de plus d’une cinquantaine d’année raconta qu’il vivait alors simplement, loin de sa femme, loin de son fils. Eir se mordit la lèvre, sachant parfaitement pour quelles raisons l’homme avait été séparé de ceux qu’il aimait.
«
Tu n’aurais jamais dû invoquer le droit de surprise. Je t’avais assuré que tu ne me devais rien. »
Peu avant que leurs routes ne se séparent, Eir avait sauvé la vie du mercenaire qui était alors blessé. Elle ne l’avait pas fait pour une quelconque récompense, mais par amitié, et par affection. Elle le savait marié, mais elle et Calion avaient entretenu une relation amoureuse, la seule qui ait vraiment compté jusque là pour l’enchanteresse. Pour la remercier, il avait promis à Eir qu’il lui donnerait ce qu’il avait déjà et dont il ignorait encore l’existence. Il avait fait cette promesse sans savoir que sa femme était enceinte d’un petit garçon.
«
Tu aurais dû venir le voir. Il est ta destinée, il est ton enfant surprise. Aujourd’hui, il est adulte et j’ignore ce qu’il fait pour survivre étant donné que ma femme a refusé de me laisser le voir grandir à cause de cette promesse. »
Eir avait toujours détesté les enfants et le fait de ne pas être capable de procréer ne lui avait jamais posé de problème car elle ne voulait pas d’enfant elle-même. Il était alors hors de question de clamer un quelconque droit sur un enfant qui n’était pas le sien, alors elle avait évité durant trente ans de croiser la route de son ancien amant ou de l’enfant qui lui était destiné.
«
Il faut croire que la destinée ne s’intéresse pas aux magiciennes comme moi. Tout autant que je t’ai aimé Calion, je n’ai jamais demandé quoique ce soit. »
Les deux anciens amants discutèrent pendant des heures, toute la nuit durant, et l’homme expliqua qu’il était malade et qu’il n’était qu’une question de jours voire de semaines avant qu’il ne soit rattrapé par la mort.
«
J’étais heureuse de te revoir. »
C’était ce à quoi elle était réellement destinée. Des rencontres de mortels, de personnes vieillissant alors qu’elle était intemporelle. Elle ne pouvait s’accrocher à un amant ou à un enfant, car elle savait parfaitement qu’elle finirait par les voir mourir à un moment donné.
☽☽☽
Une nouvelle fois, Nilfgaard déclare la guerre aux Royaumes du Nord. Une annonce qui provoqua un large frisson dans le dos de la magicienne qui était fatiguée de ces guerres, fatiguée de voir tous ces innocents mêlés contre leur gré aux ambitions de la Flamme Blanche et de l’incapacité des Royaumes nordiques. Elle ne sait où se placer, elle ne sait que faire, fâchée contre la Loge, contre ses anciennes sœurs, par extension, mais désireuse de vivre dans un monde meilleur. Elle ne sait pas si elle restera éternellement à Novigrad à tenter de vivre une vie cachée ou si elle finira par apporter sa pierre à l’édifice.
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