La lame venait de fendre le crâne dans un bruit écœurant. Le corps s’était effondré pour laisser le sang se répandre sur le sable chaud du désert. L’arme laissa échapper quelques gouttes sur le sol dans un bruit étouffé mais perceptible à présent que le calme avait pris la place sur la fureur du combat. A l’ombre du temple, un applaudissement se fit entendre. Un homme s’était levé de sa chaise, sur l’estrade installée sous le porche de l’entrée principale. La foule qui avait retenu son souffle laissa exploser sa joie face au triomphe de leur championne.
L’œil sombre, la chevelure en bataille malgré sa tresse, elle reprenait son souffle sous la chaleur écrasante du soleil à cette heure de la journée. Son attention se porta tout autour d’elle dans cette arène misérable sous le regard de la déesse de la guerre. Son bras gauche laissa tomber le bouclier qui l’avait aidé à parer les attaques d’un adversaire bien plus grand qu’elle. Le dos voûté, il lui fallut quelques secondes encore pour que son cœur de calme et son souffle s’apaise. Sa main droite refusait coûte que coûte de lâcher la garde de son khépesh, comme si son corps restait sur le qui-vive. Se redressant, elle brandit son arme en direction du prête qui avait été le premier à l’applaudir.
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Tu m’as promis, rugit-elle pour secouer la foule et la faire taire afin de s’assurer l’attention de l’homme.
Tu m’as promis que ce combat serait le dernier, à présent je suis libre. Honores ta parole prêtre, tu as promis devant Sekhmet. Sinon la lionne fera souffler le vent du désert et le temple sera de nouveau englouti par les sables.Un silence de mort planait à présent. La détermination pouvait se lire dans le regard de la guerrière, prête à abattre de nouveau son khépesh si le serviteur des dieux manquait à sa parole. Ce dernier plongea son regard dans le sien comme pour la sonder et juger si elle était digne de la liberté qu’elle réclamait.
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Tu es arrivée dans mon temple en voleuse, répondit-il après un moment,
tu t’es élevée parmi nous et te voilà aujourd’hui devenue guerrière. La lionne est fière de toi mon enfant, à présent… les dieux ont décidé qu’il était temps pour toi de partir, une autre quête t’attend et elle sera bien plus difficile à mener. Vas Aya, tu es libre à présent.☼☼☼
Le désert avait laissé place à un territoire insulaire montagneux à la végétation maigre mais prospère. Les ongulés régnaient en maître dans ce coin-ci de l’archipel au large de la Zerricanie. Le paysage était bien différent de celui de son enfance mais Aya était heureuse de quitter cet endroit qui n’avait plus rien à lui offrir.
Le navire avait mouillé l’ancre dans une crique abritée, encerclé de hautes falaises de part et d’autre de la passe. Le seul endroit pour accoster était une plage minuscule qui donnait directement sur un bois implanté sur la face sud d’une colline escarpée. Voilà un décor bien étrange pour quelqu’un qui n’avait connu que le désert et les anciens temples engloutis par le sable. C’était à la fois excitant et impressionnant, rien à voir avec les colonnes qu’elle avait pu escalader à mains nues pour tenter de voir par delà l’horizon.
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Aya, interpella le capitaine,
nous allons envoyez quelques hommes à terre pour nous ravitailler, tu veux aller avec eux ?Il avait vu briller l’étincelle de la curiosité dans le regard de la jeune femme, il voyait chez elle sa fille disparu et avait offert de jouer les protecteurs pour la guerrière à la lionne. Une sourire s’étira sur les lèvres de cette derrière qui accepta aussitôt pour s’en aller rejoindre les membres de l’équipage qui devait aller à terre.
Tout ici était différent, agréable même. Jusqu’à la découverte de cette grotte étrange à l’entrée de laquelle brûlait deux flambeaux. Tandis qu’elle s’était éloignée du groupe d’hommes qu’elle accompagnait, Aya s’était retrouvée devant ce lieu qui semblait l’appeler. N’écoutant que son courage elle y pénétra avec précaution.
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Entre mon enfant, dit la voix qui s’éleva soudainement, comme sorti de nul part.
La native de Zerricanie sorti sa lame au clair, prête à combattre cette ennemie invisible, car c’était bel et bien la voix d’une femme qu’elle avait entendu. A force de progresser dans la pénombre, elle finit par se retrouver dans la partie de la caverne où la voûte rocheuse était plus haute, au point qu’on en voyait à peine le plafond et ce malgré la présence de braseros. Au centre, la statue d’une femme placé sur un piédestal en marbre. Au pied de ce dernier, une silhouette assise à genoux. l’inconnue était drapé d’un tissu blanc élégant tandis que ses cheveux étaient ornés de fleurs. Devant elle ce qui semblaient être des offrandes.
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Qui êtes-vous ? Demanda Aya en gardant sa lame en main.
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Pour les gens d’ici je suis l’Oracle, mais pour toi… Je ne serais qu’une rencontre dans une vie, répondit-elle.
Un autre destin t’attend et ce n’est pas celui que tu crois. La lionne sera ton ombre mais tu serviras une cause bien plus grande que nous tous. Le corbeau saura devenir ton allié le plus inestimable. N’oublies pas, tu as toujours le choix, il faut seulement voir plus loin.☼☼☼
La flèche pointait en direction de la cible, l’homme se tenait sur la tour à observer l’horizon pour guetter le moindre trouble. L’index et le majeur relâchèrent la corde de l’arc et la flèche fendit l’air en silence jusqu’à s’enfoncer à travers le casque en métal. Le soldat s’effondra aussitôt dans un bruit étouffé. La main vint à nouveau bander l’arc à la recherche d’une nouvelle cible et presque aussitôt une nouvelle flèche vint ôter la vie d’un autre. Bientôt il ne restait plus âme qui vive sur le chemin de ronde. Se frayant un chemin dans la fissure du rempart à flan de falaise, la silhouette parvint à s’infiltrer en toute discrétion avant d’arriver devant les geôles de la forteresse perdue dans les montagnes.
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Je suis Althéa, c’est ton maître qui m’envoie, dit-elle en découvrant son visage.
La lionne de Zerricanie avait bien changé, arborant à présent le noir des corbeaux. La porte s’ouvrit pour laisser sortir la servante prostrée sur la pierre froide. Althéa lui tendit la main mais cette dernière leva sur elle des yeux effrayés.
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Willard… Il t’a demandé de me tuer c’est ça ? Tu aurais dû me laisser mourir ici…Sitôt l’assassin sorti un insigne de la petite sacoche qu’elle avait à sa taille, elle le jeta au pied de la femme. Le cuivre était tâché de sang séché et représentait l’emblème de celui qui l’avait engagé. La servante l’observa avec attention comme pour s’assurer que ce n’était pas une contrefaçon. Lorsqu’elle comprit, elle reporta son attention sur sa sauveuse.
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Willard est mort, il n’importunera plus les gens de ton village, tu es libre à présent, vas retrouver ton mari et ton fils.Mais au lieu de s’enfuir et détaller comme une biche, la femme prit Althéa dans ses bras pour la remercier avant de fondre en larmes. La bourgade allait connaître la paix pour quelques temps avant qu’un autre tyran ne vienne à nouveau régner ici-bas. Quelques jours plus tard l’assassin avait quitter les lieux pour cheminer vers le Nord, là où la guerre ne frappait pas encore mais son ombre s’étendait lentement.
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