Aconit

Douce nuitée dépose ses voiles sombres sur Metinna. La journée a été chargée pour Adrianna qui fait toujours plus de tâches à la place de son père toujours dans l'impossibilité de se mouvoir quad il veut et où il veut. Elle lui ôte cette charge en tant qu'héritière et bien que cela l'ait effrayée au début elle commence à y prendre goût, elle apprend sur le terrain, voilà la meilleure des écoles, elle parle avec les habitants, reçoit leurs problématiques et tente d'y remédier en leur compagnie jusqu'à ce que le résultat soit profitable à tous. C'est exténuée qu'elle s'est alors retirée dans sa chambre après le souper, s'autorisant quelques lectures avant de dormir.

Quelqu'un tape, elle invite la personne à entrer et rajuste sa robe de chambre sur ses épaules en reconnaissant le visage de l'un des gardes. « Dame Adrianna, pardonnez ma venue tardive. Le druide de Skellige est arrivé, il m'a fait parvenir cela pour vous. » Intriguée, son regard passe par dessus l'épaule du garde, se demande si on l'a fait entrer dans la demeure et préparer une chambre. Et bien elle doute que cela ait eu lieu, si c'est tout comme la dernière fois il s'est probablement assoupi dans le bois. Elle respecte cela, néanmoins n'hésitera pas à lui apporter tout le confort qu'il souhaite s'il en fait la demande. Le garde reste néanmoins en place et sort alors une branche d'aconit. Il la tend dans sa direction et déclare que cela provient de la part du druide. Surprise, et en même temps elle ne l'est pas, les plus beaux présents viennent de la nature pour un druide, mais que lui vaut cet honneur d'une si jolie offrande ? Adrianna sourit, de ses doigts prend délicatement le brin d'aconit entre ses mains et laisse le garde retourner à sa ronde. Elle observe les fleurs immaculées, ne sait pas comment cela se conserve mais dans le doute la laisse baigner dans un verre avec un fond d'eau et la laisse régner sur un meuble. Elle se dirige alors vers la fenêtre, entrouvre l'épais tissu avec curiosité pour voir si par hasard elle ne verrait pas Mab. Mais rien que les quelques papillons de nuit dansant au dessus des torches que tiennent les gardes. Alors elle laisse et se fait une toilette avant d'aller dormir.

Ses songes sont toujours imprégnés des deniers souvenirs qu'elle possède de son futur époux. Parfois cela tourne en cauchemar, elle imagine les champs de bataille tels que le décrivent les quelques voyageurs et les commerçants passant à Metinna. Elle attend sa lettre en retour, n'a pas pu résister à l'envie de lui en envoyer une et se demande si le moment était bien choisi pour le faire alors que le conflit semble électrique. Alors la nuit n'est pas reposante mais elle ne se plaint pas avec le confort qu'elle a dans sa chambre bien réchauffée par ses suivantes.

Au petit matin a peine ayant eu le temps d'engloutir de quoi se rassasier qu'Adrianna passe dans les cuisines et dépose dans un panier couvert de tissu des gâteaux au miel avec une bouteille de vin rosé du domaine. Chaudement vêtue, la Dame s'engouffre à l'extérieur et rajuste sa cape à son cou pour ne pas laisser de courants d'airs lui assécher la gorge. Ce serait dommage d'attraper froid alors qu'elle a réussi à avoir la présence de Mab sur ses terres. Elle se demande s'il répondrait favorablement à la demande évoquée dans sa lettre mais se dit que s'il est ici c'est sans doute parce qu'il n'y voit pas d'inconvénients. Ne souhaitant pas faire d'hypothèses trop vite, elle se contente pour le moment d'aller à sa rencontre et prendre de ses nouvelles. Peut être pourrait il lui donner des nouvelles de la guerre, il a l'air de voyager beaucoup, là où le vent le porte en n'ayant que faire des frontières entre les royaumes. Peut être même qu'il a déjà eu l'occasion de croiser son fiancé, pourrait il lui rapporter son état physique et moral ? Adrianna marche dans la forêt, en direction du petit abri qu'il s'est confectionné et qu'elle a veillé à garder intact au cas où il reviendrait. Ses pas marquent la terre gelée, l'empreinte restera plus longtemps que sur une terre meuble même après une pluie d'automne.

Elle approche du petit abri et y aperçoit la silhouette de Mab, levé aux aurores. Un sourire amical sur les lèvres elle s'approche un peu plus et s'incline légèrement devant lui pour le saluer. « Je suis honorée de savoir que vous avez fait le chemin jusqu'ici pour me rendre visite. » Puis après la politesse caractéristique de son rang elle lui tend le panier, découvre les quelques pâtisseries sous le tissu pour lui signifier que ceux là sont plus lui, tout comme la bouteille d'hypocras. « Mon présent est moins en beauté que le brin d'aconit que vous m'avez fait parvenir, mais ces gâteaux sont chauds et typiques de chez moi et le vin rosé de Metinna est bien assez connu mais je souhaitais vous faire don de celle-ci. » Elle lui laisse le panier, qu'il en fasse ce que bon lui semble, c'est un cadeau de bienvenue sur leurs terres et de remerciement d'avoir répondu à son invitation. « Alors vous avez bien reçu ma missive? »

Elle n'a jamais eu la prétention de faire un meilleur travail que son père qui est un seigneur remarquable. Mais depuis son retour de la guerre et son invalidité il ne se rend plus au domaine, il ne va pas voir ces braves gens qui travaillent pour eux. En s'y promenant de façon régulière c'est assez naturellement qu'Adrianna a souhaité être son intermédiaire. Désormais c'est un rôle qui lui tient à cœur et elle espère que son futur époux saura trouver une certaine sérénité à vivre ici quand lui aussi prendra ses responsabilités. Elle n'est pas encore au point, mais il y a bien des choses sur lesquelles elle n'hésite plus et sait faire la part des choses. Elle a pris du caractère, sa naïveté d'enfant cadette a bien disparu. Elle se demande s'il remarque quelque chose, peut être que ça peut jouer en sa faveur si elle lui demande d'apprendre son art d'avoir les épaules plus solides qu'auparavant.  La brise souffle doucement dans les cimes des hauts arbres et les vers qu'il récitent semblent réveiller la nature autour. Elle n'a pas connaissance de l'étendue de la magie, se demande s'il la pratique et si ses mots et ses gestes peuvent avoir une quelconque influence. Elle admire les gens capables de voir au delà de ce qui est réel, qui résistent aux communautés imposant leur méthode de vie et conservent leur savoir faire et leurs traditions. Cela devrait être enseigné à tout le monde, comme on l'a laissée dans l'ignorance de tout ce qu'il y avait par delà leurs frontières. Les monstres elle n'en a su l'existence qu'à l'instant où elle a vu son frère et sa sœur périr et le traumatisme est certes présent, peut être que le deuil se serait fait plus facilement si elle n'avait pas eu à découvrir tout un monde en même temps.

Maintenant elle ne demande plus l'autorisation à ses parents, l'avis de son futur époux a un impact mais elle va d'abord au devant de ce qu'elle désire. Elle ne fera pas la même erreur deux fois, elle veut être prête,être utile à son échelle si un jour il y a besoin. Les soins des druides et leurs connaissances sont davantage aiguisées et préparées que celles de leurs guérisseurs qui se content d'appliquer et d'étudier. Elle ne prétend pas non plus acquérir meilleure connaissance qu'eux mais sur certaines choses elle aimerait pouvoir savoir superviser et connaître son sujet. Ce qui lui manque c'est la connaissance réelle de ce monde, ce qu'on lui a caché toute sa vie alors qu'elle grandissait naïvement en croyant que ces histoires là relevaient des contes pour enfants. Il se montre volontiers à son service, tout comme sa lettre en faisait la demande il sait déjà ce qu'elle va dire, mais il serait aussi bien de préciser la problématique de vive voix.

« Mes parents protecteurs et mes professeurs ne m'ont jamais suffisamment instruite. J'ai hélas bien des lacunes sur le monde qui m'entoure. La nature, la magie, il n'avait jamais réellement été question de me mettre en garde contre les monstres aussi. J'ai perdu mon frère aîné et ma sœur aînée dans une attaque par un monstre et c'est là que j'ai découvert qu'il existait bien des choses dont je n'avais pas connaissance, c'est un sorceleur qui m'a sauvé la vie. » Elle ne cille pas, malgré la douleur des événements, la vie lui a donné l'occasion d'accepter ce qu'il peut arriver. « Je voudrais que vous m'appreniez, que vous m'aidiez à comprendre cela. J'aimerai être en mesure de savoir ce qu'il faut faire et non plus me retrouver démunie comme à notre dernière rencontre alors que les villageois souffraient ou pire encore quand je me suis réveillée devant la scène d'horreur de l'attaque. » La demande est vaste et il y a sans aucun doute beaucoup de travail comme beaucoup de contraintes comme le fait qu'elle ne peut quitter ces terres. « vos talents druidiques m'inspirent, je me sentirai bien plus en confiance si j'avais un soupçon de vos connaissances, pensez vous que cela soit possible ? D'être votre élève ? »

Adrianna était arrivée près de Mab avec l'espoir qu'il accepte sa requête, en ayant déjà fait part de celle-ci dans sa missive, puisqu'il s'était déplacé elle osait tirer les conclusions qu'il acceptait de lui apprendre. Consciente qu'elle ne pourrait jamais être druidesse, pourtant son savoir lui serait d'une aide précieuse. Un apprentissage, même court saurait lui donner un peu plus d'assurance et savoir comment agir en ces temps un peu spéciaux a cause de la guerre. Si les monstres s'aventurent jusqu'ici plus souvent qu'à l'accoutumée un jour, au moins elle sera préparée a l'éventualité. Elle a besoin de savoir et de connaître les dangers de ce monde, car elle sait maintenant que sa vie ne sera jamais aussi rose et innocente qu'on a toujours voulu lui faire croire. Elle n'en retient pas de rancune a ses parents qui ont voulu la protéger, mais parfois protéger c'est aussi mettre en garde du danger que l'ont peut courir. Pas la peine de leur demander à eux, en ce qui concerne les monstres et tout cela, elle préfère se renseigner d'elle-même. Mab l'écoute avec attention refaire part de ses vœux, elle essaye d'être assez claire tout comme elle ne sait pas jusqu'où il peut aller dans l'apprentissage et ne désire pas non plus trop lui monopoliser son temps.

Il lui répond alors, trouve un compromis tout en acceptant de l'avoir pour élève les quelqes fois où il passerait par ici. Ravie de sa réponse, elle ne cache pas sa joie d'un large sourire sur son visage. Elle n'est plus l'enfant élevée pour être une bonne épouse, désormais elle prend de l'avance et des initiatives, pour elle, pour son avenir. Elle veut avoir les clefs et le courage au moment voulu, en ayant appris tout ce qu'elle doit apprendre pour soutenir les habitants de Metinna et son époux, la famille qu'elle aura.

« Cela me convient parfaitement ! »

Des bribes d'apprentissages ça et là sur le temps sauront lui offrir toujours plus d'assurance et de confiance en elle alors qu'elle est obligée de prendre sur elle depuis la mort de son frère et de sa sœur qui étaient les héritiers directs. Il propose de s'y mettre sur l'instant, ça la surprend agréablement. Elle sort de sa besace un papier et une plume avec un pot d'encre, curieuse de savoir et d'apprendre la préparation de ces onguents et de ces remèdes avec l'espoir de savoir les retravailler quand il n'est pas là. Ecorce de chêne et coracium donc, pour une infection liée à de l'Ellébore, qui est donc une de ces plantes qu'on lui disait de ne pas toucher, extrêmement toxique paraît il même si elle n'en a jamais fait les frais.

« Je vous remercie Mab, je suis a votre entière écoute ! »