Juan aep Deithdhu

La lumière perçait à travers les vitraux du temple, à la fois colorée et mystérieuse. Elle emplissait la pièce d'une chaleur paisible et bienheureuse. La crypte était déserte à l'exception d'une personne debout auprès du tombeau de marbre blanc. Ses doigts parcouraient la surface lisse et froide de la roche, sentant sous la pulpe de ses doigts les moindre formes qui avaient été sculptées avec minutie.  Un sourire s'était esquissé sur le visage franc du brun habillé de noir et d'or. A sa ceinture, son épée ne saurait le quitter, surtout pas ici à Novigrad.

- Qu'est-ce qu'un nilfgaardien de peut bien trouvé au tombeau d'un prêtre du feu éternel ? Demanda une voix derrière lui.

L'homme se retourna pour voir qui était ce nouvel interlocuteur. Il posa une main sur la garde de son épée, arborant un air fière qui tentait de cacher sous quelques allures un peu plus humble dans la posture. Face à lui, un homme vêtu de rouge et de blanc, la mine accablé par tous les malheurs du monde tant il y avait de pêcheurs à sauver de la damnation éternelle.

- Oh mais ne me voyez point comme l'homme que je parais être, voyez moi plutôt comme un humble voyageur perdu sur la voie de la foi, ne sachant à quel dieu me vouer et qui cherche la lumière pour le guider.
- Il semblerait que votre Soleil du Sud ait cessé de vous aveugler et que vous venez enfin de trouver la vraie lumière.
- Il se pourrait que ce soit effectivement le cas, mais alors ce serait notre secret.
- En faire un mystère ? Le taire plutôt que de le montrer ? Quelle hérésie, on ne peut cacher le Feu éternel, il doit être montré pour éclairer le reste du monde !
- Je ne saurais me faire prêtre comme vous, là serait toute l'hérésie, penser que je sais tout ce qu'il y a à savoir alors même que je ne suis qu'un humble pêcheur.
- Voilà de bien sages paroles, un sot se serait déjà fait porte-parole, mais vous mon cher… Vous vous êtes un homme intelligent. Je comprends pourquoi Nilfgaard a fait de vous un diplomate pour arpenter les cours des Royaume du Nord.
- Et ce serait un pêché que de dire que je suis venu vous voir ici sans la moindre attention à votre égard, j'espère pouvoir vous compter comme un allié précieux à Novigrad, car je sais comme les gens d'ici sont fiers et belliqueux. Votre sagesse et votre influence me seraient d'un grand recours lorsqu'il me faudra traiter avec eux. En échange de quoi, si un jour Nilfgaard venait à marcher sur le Nord, je parlerais à mon tour en votre faveur et celle du Feu éternel pour qu'il ne soit pas éteint par le souffle de la guerre. Et vous resterez un phare dans les ténèbres de l'ignorance.

Le prêtre plissa les yeux face aux dires du nilfgaardien et passa une main dans sa barbe blanche sous le coup de la réflexion. Ces paroles étaient bien lourde de sens, il y planait également une menace pernicieuse, fantomatique et pourtant bien saisissante. Oui, malgré deux défaites, l'ombre de l'empire du Sud continuait de planer. Ce n'était qu'une question de temps avant que l'empereur ne décide de passer à nouveau la Yaruga et déchaîner les démons de la guerre. Dans l'état actuelle des choses, sans doute finirait-il par profiter du chaos qui animait les Royaumes du Nord.

- Vous venez de vous trouver un allié précieux mon cher.


- Mon frère ? Qu'as-tu fait ?

Le corps sans vie était allongé sur le sol de la chambre. Juan avait posé les yeux sur le cadavre encore chaud de son beau-frère. Alejandro de Ravello venait d'être assassiné, près de lui sa jeune épouse, la sœur de Juan, Giulia aep Deithdhu de Ravello. Les yeux en larme, terrassée par le chagrin, elle venait de perdre son deuxième mari en l'espace de quatre ans. La jolie blonde au visage d'ange pleurait à en fendre le ciel tant la découverte de cette morte était une douleur pour son cœur fragile. Juan lisant dans ses prunelles le regard accusateur qu'elle lui lançait tandis qu'elle tenait le corps d'Alejandro dans les bras.

- Tu me crois assez cruel pour tuer ton mari ? Mon beau-frère ? Quel monstre suis-je à tes yeux pour mériter pareille accusation ? Qu'ai-je fait pour mériter ta haine, ma sœur ?
- Je sais que c'est toi, tu le détestais depuis le jour où il m'a épousé.
- Oui je le détestais car il ne te méritait pas, mais je ne le détestais pas au point de vouloir le tuer, tu dois me croire Giulia.

D'un geste lent, un s'approcha d'elle en contournant le cadavre. Doucement, il s’accroupit près d'elle en lui tendant la main en prenant garde qu'elle ne cherche pas à le frapper. Il restait calme face à la détresse de sa sœur, même si ses yeux bleus trahissaient la peine de son âme en voyant dans quel état elle se trouvait. Mais il savait très bien qu'elle ne saurait résister bien longtemps, chose qui ne tarda pas à arriver. Une fois qu'il eut mis les genoux à terre, Giulia tomba dans ses bras et se mis à pleurer plus fort encore. D'une main tendre, il vint à caresser les cheveux de sa sœur pour tenter de l'apaiser.

- Pourquoi tous les hommes que j'aime ne peuvent rester à mes côtés ? Demanda-t-elle, les yeux portés sur le corps d'Alejandro. Même toi, tu n'es plus qu'un courant d'air que je vois si rarement, chaque fois que je te vois, tu restes à peine le temps de nous embrasser et te voilà déjà reparti sur les routes pour jouer à la guerre. Dis-moi que tu vas rester cette fois, ne m'abandonne pas une fois de plus.
- Tu sais comme je t'aime petite sœur, lui répondit-il, mais tant que je n'aurais pas accompli mon devoir, tant que les Royaumes du Nord ne seront pas sous le joug de l'empereur, je ne pourrais me tenir à tes côtés en sachant que je n'aurais pas tenu la promesse que je t'ai faite.
- Alors oublie ta promesse, je n'en veux plus, je veux seulement que tu restes à mes côtés.
- Je ne suis pas homme à renoncer, tu le sais.
- Alors je devrais encore te dire adieu sans savoir si je te reverrais un jour…

Giulia détourna le regard pour cacher son visage contre le torse de son frère, pleurant en silence la mort de l'homme qu'elle aimait et le départ prochain de Juan pour le Nord.

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