Une caresse sur la peau, ce frisson qui s'étendait le long de l'échine, hérissait le derme. La chevelure était belle, sombre et soyeuse. Les doigts la parcouraient avec une douceur inconnue, avide du plaisir de la chair. La lèvre inférieur était légèrement entre-ouverte, tremblante. L’œil, lui, exprimait un sentiment d’effroi, une peur primaire qui étreignait le cœur avec ardeur. Le corps à moitié dévêtu, la femme était assise sur une chaise, les mains nouées dans le dos pour son plus grand déplaisir. A quel moment les choses s'étaient mises à mal tourner ? Elle ne savait plus, ne savait rien. L'homme était penché sur elle, observant une larme perler sur la peau de porcelaine de sa captive. Il sentait son corps trembler sous l'effet de la panique, sous sa paume les palpitations du muscle cardiaque.
Le faciès masculin n'exprimait rien d'autre qu'une expression d'intérêt, une curiosité dérangeante pour celle qu'il avait entre les doigts. Une avidité dans le regard où s'entre-mêlaient le désir et quelque chose de bien plus animal. Hélas, la douce ne savait que trop bien qu'il ne s'agissait pas là de ce que pouvait croire la plus part des femmes et des putains. Cet homme n'avait aucunement envie d'elle, il n'était pas de ceux qui se contentaient des plaisirs charnelles avec une beauté rencontrée dans la rue ou dans un bordel. Il allait la tuer, tout simplement. Plutôt que d'en finir avec elle, d'être bon et lui accorder une mort rapide, il allait prendre son temps, apprécier le moindre de ses cris, ses moindre suppliques. Il posa sa main sur la gorge de la femme, ferme et résolu, remontant lentement pour saisir la mâchoire et la forcer à le regarder dans les yeux. Il avait approché son visage du sien, comme deux amants fébriles face à leur première fois. Puis il lui tourna brutalement la tête pour lui murmurer quelque chose à l'oreille.
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Les choses se passaient si bien entre nous, dit-il d'une voix grave, suave même.
Tu connaissais les règles pourtant, un pas de travers et je m'occupais de toi. Tu sais ce que je réserve aux traîtres, n'est-ce pas ? Tu le sais…☼☼☼
La forteresse de Cintra se dressait fièrement face aux troupes nilfgaardiennes. Les cris des chefs d'unités et de leurs hommes couvraient le moindre bruissement d'ailes ou le bourdonnement des derniers insectes de la saison. Les arbres s'étaient parés de leurs couleurs d'automne mais les regards étaient rivés sur les remparts de la capitale. La beauté des lieux avait cédé la place à l'horreur de la guerre. Les tours de sièges étaient encore loin en amont mais ce n'était qu'une question de temps avant que la cité ne tombe entre les mains des envahisseurs du Sud.
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Capitaine, le général vous fait demander ! S'exclama un soldat en armure noire sur lequel trônait un soleil doré, percher sur son cheval de guerre.
Un homme répondit au grade qui venait d'être nommé. Un œil vif porté sur son interlocuteur, il acquiesça à la requête d'un signe de tête. C'était un capitaine dans la trentaine bien portante, la stature imposante et la peau halée par des heures passées sous le soleil. Il enfourcha la bête la plus proche, cachée sous son caparaçon aux couleurs de l'empire. Ses pieds talonnèrent les flancs de l'animal qui ne se fit pas prier pour partir au petit galop. Les deux cavaliers remontèrent la file des soldats qui marchaient d'un pas vaillant, arrivant ainsi prestement au camp dressés de tentes imposantes, qui abritaient les généraux. Le capitaine mit pied à terre, retirant son heaume et, sans presser l'allure, il se dirigea vers la plus grande tente. L'on souleva le pend de toile qui fermait l'accès. Sous son regard se dévoila un attroupement des hommes les plus gradés du Nilfgaard, attablés à leurs plans de bataille. L'un d'eux releva la tête lorsque l'on annonça l'arrivée du capitaine.
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Ah, vous voilà Ahmar, dit-il,
quelles sont les nouvelles du front ?-
La reine est retranchée dans la forteresse, mais on ne lui compte que peu d'hommes en état de se battre et le reste ne sont que femmes et enfants.-
Fort bien, l'avantage étant avec nous, Cintra et sa reine sont acculées, nous organiserons le sie…-
Si je puis me permettre, au regard de ce que nous savons, il ne sera pas nécessaire de faire le siège, un assaut direct aura raison de leurs dernières forces, coupa le capitaine.
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Vous croyez cela ? S'interrogea un autre gradé, le sourcil arqué, l'air réprobateur.
Un petit capitaine de province, un bâtard de sûr-crois, pense savoir quelque chose de la stratégie militaire ?Ahmar aep Aenye, le heaume calé sous son bras, porta son regard sur l'homme en armure lourde, ne lui accordant qu'une expression passablement indifférente qui manquait cruellement de respect. Un regard qui sous-entendait également bien des choses forts désagréables, sous couvert d'une certaine élégance néanmoins. Le duc Ardal aep Dahy, semblait soudainement mal à l'aise en présence du capitaine qui n'avait toujours pas ciller.
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Je ne le crois pas, j'en suis certain, répondit-il avec aplomb avant de s'intéresser aux autres seigneurs de guerre.
Ils ne recevront aucune aide de la part de leurs alliés avant quelques jours au minimum, si ces derniers existent toujours, il nous faut conserver l'avantage et attaquer au plus tôt.Les autres opinèrent du chef, observant la carte de la région. Le plus ancien avait posé sa main sur le pommeau de son épée, observant avec attention le capitaine aep Aenye tout en laissant quelques doigts gantés glisser dans sa barbe argenté. Ahmar n'avait pas manqué de le remarquer, se contentant de lui répondre par l'esquisse d'un sourire léger, un brin complice avec son mentor.
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Les prunelles sombres s'étaient posées sur le visage du soldat couvert de sueur. Poings liés et attaché à une potence, les pieds touchant à peine le sol, ce dernier avait le souffle haletant et réprimait quelques grimaces de douleurs. Un nouveau coup de fouet claqua dans les airs avant de s'abattre sur le dos du pauvre malheureux. D'un geste las, Ahmar fit signe afin que cela cesse. Il s'approcha et saisit le jeune homme par le cuire chevelue pour lui faire lever la tête, qu'il le regarde droit dans les yeux. Ainsi il pouvait le jauger, n'ayant pas la moindre pitié pour celui qui était entrain de souffrir le martyr.
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Il me semblait pourtant avoir été clair, dit-il d'une voix traînante et sèche,
je peux pardonner une erreur, cela peut arriver à tout le monde mais… Nous avons été témoin d'une faute grave à l’encontre de vos frères d'arme.Le reste de l'unité observait, silencieuse, le soldat installé au milieu de la place d'arme. La voix de Ahmar résonnait avec son timbre grave et ses sonorités du Sud. Aucun mot n'était plus haut que l'autre et pourtant il imposait son aura malfaisante tout autour de lui. Le soldat tentait de soutenir son regard mais la douleur lui arrachait quelques larmes, piquait ses paupières avec ardeur. Ce n'était qu'un gamin parmi la multitude de ceux qui garnissaient les rangs de l'armée nilfgardienne, celui qui devait payer pour tous les autres. Ahmar le relâcha et porta son attention sur les soldats qui avaient le regard rivé sur lui.
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Voilà ce qui attend ceux qui n'obéissent pas, s'exclama le militaire en pointant le jeune homme du doigt,
la mort serait une amie bien trop douce, aussi je ne saurais vous l'accorder. Mais si vous devenez un élément indésirable pour notre armée, je ferai en sorte de vous remercier pour vos bons et loyaux servir, envers son altesse impériale Emhyr var Emreis, d'une chute longue et d'un arrêt court.Le silence s'abattit à nouveau sur la place d'arme, tandis que les soldats n'osaient pas se regarder entre eux sous peine de subir le même sort. Droit dans leurs bottes, le souffle court, ils attendaient de pouvoir respirer à nouveau normalement. Ahmar fit signe pour que les coups de fouets puissent reprendre, il en restait encore une vingtaine. D'un pas lent, il quitta la cour sans le moindre regard pour quiconque tandis que la voix du jeune homme résonna, le fouet lui arrachait de nouvelles plaintes ainsi que la chair. Une fois qu'il fut hors de portée, un sourire s'esquissa sur les lèvres de l'homme, satisfait en entendant un cri plus fort que les précédents.
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