Le règne des ombres » Gvalch'ca

28 septembre 1271 ;
Le Conclave avait été un échec, la tentative d'unir les derniers puissants du Nord encore capable d'agir avait été mise à mal par un assassin de la guilde de Cerbin. Le corbeau avait encore frappé, mais pire que cela, ce conclave avait révélé que les plus hautes sphères politique étaient corrompues par Nilfgaard. L'empire du Sud était parvenu à s'infiltrer jusqu'au cœur du système politique des royaumes du Nord, empêchant ainsi toute organisation en mesure de faire face à l'armée noire qui avançait inexorablement vers la Téméria. Brugge, Verden et Sodden étaient tombés, bientôt ce serait à aux autres d'affronter le déluge. Mais sans le roi Foltest pour diriger le royaume, il y avait fort à parier que les défenses de Téméria ne feraient pas long feu.

La brume de l'aube avait cédé sa place à un soleil pâle. Dans les champs et les pleines les oiseaux chantaient à tue-tête sans se soucier de cette caravane qui avançait le long de la route. Hommes, femmes et enfants cheminaient sans regarder derrière eux, trainant non sans peine ce qui restait de leurs richesses. Veaux, vaches, cochons finissaient d'achever la triste réalité de ces victimes de la guerre. L’été faisait place l’automne, déjà les feuillages des arbres alentours commençaient à se teinter de brun et de rouge tandis que le fond de l’air se faisait plus frais.

Juchée sur son cheval à la robe champagne, Brunhild observait la scène de loin. Elle-même avait quitté Maribor pour se rapprocher de la frontière de Brugge et constater la situation. Il n’y avait rien de plus terrible que de se sentir impuissante face à des forces incontrôlables. La IIIème armée n’avait fait qu’une bouchée des trois royaumes. La dernière grande cité du Bas-Sodden était tombée avec violence tandis que l’une des poches de résistance qui vivait encore à Brugge avait quasiment été anéantis dans une attaque aussi fourbe que meurtrière. Oui, la magicienne se sentait inutile malgré ses pouvoirs et l’influence qu’elle avait eu par le passé.

Elle donnait une légère pression sur les flans de sa monture pour l’inviter à avancer, pour aujourd’hui elle ne pourrait rien faire pour ces pauvres malheureux. La mine lasse et triste, elle prit plus encore la direction du Sud pour voir s’il y avait quelque chose à faire. Mais il lui fallait éviter les grands axes, là où les Nilfgaardiens avaient toutes la place de poursuivre les fuyards. Pour cela, la brune pris la direction de Brokylon, avec l’intention de longer la forêt pour descendre vers Brugge, s’évitant ainsi de mauvaises rencontres. Les humains évitaient ce secteur, de peur de se retrouver face aux dryades, mais la magicienne n’était pas folle pour autant, elle se tiendrait à bonne distance de la lisère pour ne pas subir la moindre attaque de la part des gardiennes de la forêt.

Le soleil avait déjà amorcé sa descente dans le ciel, il était temps de monter le camp pour cette nuit. Brunhild avait mis pied à terre auprès d’une maison en ruine. Cela fera l’affaire pour ce soir. Il était temps de lancer quelques enchantements pour faire de cet endroit un lieu accueillant pour une magicienne. Pour sa sécurité, il ne fallait pas que cela puisse être remarqué par de simples mortels aussi prit-elle les précautions nécessaire pour occulter tout cela.

La nuit était pour les ombres, pour ceux qui souhaitaient se soustraire à la vue des hommes. Dans le cas de la magicienne, il lui fallait plus encore fuir les vivants. Les Royaumes du Nord vivaient une bien étrange période dans leur histoire. Ainsi avait-elle formuler quelques sorts pour la dissimuler dans ces ruines, mais cela n’était point encore terminer car la dame était habituée à un certain confort.

Brunhild se tenait devant l’un des pans de murs qui avait autrefois servis à faire de cet endroit un abri de bois et de pierres. Il lui fallait rester concentrée car ce dernier sort allait être compliqué à lancer, il allait assurer la discrétion et la tranquillité de son campement. Tandis qu’elle formulait le sort, ses mains s’agitaient gracieusement dans l’air. Il lui semblait avoir fait cela tant de fois ces derniers temps. Un sentiment étrange qui n’était pas sans lui rappeler les guerres précédentes. Pour temps cette fois elle était obligée de jouer la carte de la magicienne prompte à disparaître.

Le sortilège s’éleva dans les airs, à la lueur du feu de camp il semblait n’être qu’un fin voile brumeux et scintillant. Bientôt il céda à la place à la nuit profonde. Les ruines étaient retournées au silence, comme si personne n’avait foulé ce sol depuis une décennie.

Hélas la magicienne vint à s’extirper de sa cachette, elle avait oublié une sacoche sur une pierre. N’ayant pas la vision nocturne que son compagnon félin, une faible lueur blanche quitta la paume de sa main pour s’élever dans les airs, de façon à éclairer les environs proches d’une lueur blafarde. Le monde prenait une teinte à faire froid dans le dos, comme si les fantômes allaient s’élever de la terre pour revenir errer parmi les vivants. L’idée effleura l’esprit de Brunhild mais il lui fallu chasser cela rapidement, il n’était pas temps de se mettre à avoir peur, pas maintenant. Elle fit alors quelques pas pour se souvenir de l’endroit exacte où elle avait laissé sa sacoche. La douce ne put néanmoins s’empêcher de laisser un frisson lui parcourir l’échine, comme à chaque fois qu’elle se sentait observer ou que quelqu’un passant dans son dos sans prévenu. C’était un sentiment parfaitement désagréable qui la poussa à regarder autour d’un un instant. Immobile, elle tentait l’oreille en espérant entendre le moindre bruit. Ne lui parvenait que les sons de la nuit. Étrange.

Peut-être se trompait-elle, le résulta de bien deux mois d’une guerre qui n’allait pas finir de sitôt. Prenant une profonde inspiration, elle revint à sa besogne cherchant du regard la fameuse sacoche. Elle était sûr de ne pas l’avoir laisser bien loin...